Lors du Challenge International des Hauts de Seine de Bourg la Reine, j’ai eu la chance de pouvoir interviewer Maxime Pauty, fleurettiste à l’Insep et licencié au club d’Issy les Moulineaux, pour connaître sa façon d’appréhender les grands rendez-vous internationaux.
Maxime lors des Championnats de France 2016 de Bourg La Reine
Merci encore à lui pour son temps, sa bienveillance et son humilité habituelle.
On lui souhaite le meilleur pour cette saison, à commencer par le CIP.
Le CIP est dans deux semaines. Que représente-t-il pour toi ?
Pour moi, c’est comme Roland Garros au tennis. C’est la plus belle compétition, la plus belle coupe du monde qui soit. Hiérarchiquement, il y a les Jeux Olympiques, les Championnats du Monde, ceux d’Europe et après il y a le CIP.
Il y a une atmosphère particulière. Les gens pensent que toutes les coupes du monde sont comme le CIP mais ce n’est pas vrai. Quand tu vas sur d’autres Coupes du Monde à l’étranger, tu n’as pas autant de personnes qu’au CIP, tu n’es pas dans un super stade . Les Coupes du Monde ressemblent plus à un circuit alors qu’avec le CIP et cette atmosphère particulière, on a vraiment l’impression de faire partie de cette grande famille du sport.
N’y a t il pas une forte pression à être devant sa famille et ses proches ?
Il y en a que ça n’aide pas. Moi ça m’aide. C’est une bonne pression. J’ai parfois du mal à être complètement dans le match et ai tendance à ne pas me battre tout le temps.Le fait qu’il y ait mes proches, mes amis, ça me force à être combatif et à aller jusqu’au bout. Donc c’est plutôt positif !
Etre exempté du vendredi, pour certains c’est une force alors que d’autres n’ont pas les sensations suffisantes pour entrer comme ça dans la compétition. Et pour toi ?
Je n’ai jamais eu la chance de ne pas faire les tours préliminaires sur une coupe du monde mais honnêtement c’est un point positif. Si tu ne fais pas les qualifications, qui est une journée folle avec des matchs parfois entre deux champions ou vices-champions olympiques, des gros matchs, tant mieux. Chez nous, on appelle ça la « fosse aux lions », c’est la loterie. Quand on est dans les poules le vendredi, on a qu’une envie, c’est de les passer pour être exempté des tableaux préliminaires . Ce n’est vraiment pas un plaisir.
Alors oui, on peut dire qu’on arrive pas chaud ou autres , mais on fait tellement d’escrime au quotidien qu’on est prêt à être opérationnel le samedi et en plus on est plus reposé.Moi, si je pouvais ne pas faire le vendredi, je ne le ferais pas !
Quel est ton rituel avant les compétitions ?
La musique que j’écoute avant le match peut varier : musique contemporaine, parfois c’est du « rap hardcore » pour me motiver. Cela dépend de l’état d’esprit.
Mon seul vrai rituel c’est ma bague, mon bijou symbolique pour me rappeler mes proches.
J’essaie de casser mes rites au fur et à mesure. Pas par expérience mais vraiment car c’est contraignant.
Avant, j’avais un rituel : je ne devais pas baisser mes chaussettes de toute la compétition. C’était très usant. Même si j’avais chaud, je m’interdisais de les baisser par superstition.
Une fois, en finale d’un circuit cadet, je sais que j’avais mes chances face à mon adversaire, je me dis « je suis en finale, c’est maintenant ou jamais que j’essaie de casser le rituel ».
Je baisse la chaussette, je la remonte en me disant que ça allait quand même aller et je me retrouve mené 5-0 en finale. Dans ma tête, je me dis « Pourquoi j’ai baissé les chaussettes ? ». Finalement, j’ai quand même gagné. Depuis, je m’autorise donc à les baisser
J’avais aussi un rituel avec le chatertone : il fallait qu’il soit de deux couleurs différentes.
Un jour, je me suis qu’il fallait que je grandisse car c’était beaucoup plus fatiguant que positif d’être dépendant de ces rituels.
Ta préparation d’avant compétition, comment se passe-t-elle ? Tu regardes les vidéos de tes adversaires ?
Je préfère me concentrer sur moi. C’est bien de savoir ce que font les autres mais je ne veux pas toujours réfléchir à ce que fait l’autre car je trouve que cela tue mon propre jeu. J’ai déjà quelques idées sur ce que je dois faire quand je commence le match et l’avantage c’est qu’on fait tellement de compétitions qu’à la fin, le top 50 on le connaît par cœur. On sait ce que chacun fait. Je ne fais pas de vidéos sur les autres, je les fais sur moi.
Et les coachs, tu les écoutes toujours ?
J’écoute ce que le coach me dit mais c’est assez étrange de me coacher car j’aime pas qu’on me dise précisément à un instant T ce que je dois faire. J’ai une escrime d’instinct et le coaching consiste à me donner des petites indications pour qu’au moment où l’instinct doit parler, il sorte la bonne action. Je n’aime pas prévoir ce que je vais faire. Si un coach me donne une action très précise à exécuter, cela ne m’ira pas car je vais y penser tout l’assaut. Si il me conseille plutôt des attitudes pour lesquelles opter, je vais l’avoir en tête et au moment où mon adversaire fera une action précise, mon instinct va sortir. Je suis difficile à coacher mais je suis à l’écoute.
Pour toi, pour faire de l’escrime faut-il vraiment être mauvais perdant ?
Cela dépend vraiment de mon humeur où moment de la compétition.
Pour certaines, j’arrive un peu plus déprimé et je vais être énervé uniquement contre moi. Il y en a où je ne vais jamais m’énerver et c’est souvent là où ça se passe le mieux et enfin, il y a celles où je suis énervé contre tout le monde…sauf contre moi !
Il ne faut pas aimer perdre, c’est sûr. Après, il y a des champions qui se construisent dans la haine de la défaite, c’est leur force et ce n’est pas quelque chose qui se crée. C’est une manière d’être. Et après, pour certains, comme Federer qui n’aime pas perdre mais qui aime produire son tennis et c’est ce qui le motive.
Djokovic, lui, quand il arrive sur le court, il a la haine de la défaite alors que Federer a l’envie de bien faire.
Aujourd’hui tu avais l’air plutôt serein en souriant à tes adversaires par exemple
Quand je fais des petits sourires à mes adversaires, c’est qu’en général je suis bien. Quand on me voit m’énerver beaucoup, c’est que je ne suis pas bien mais c’était le cas déjà avant même de venir.
Est-ce positif de tirer contre les français car on les connaît ou au contraire c’est vraiment d’affronter ses compatriotes ?
Je n’ai pas envie de les affronter dans le sens où on ne fait pas de compétitions pour tirer contre un Français. Il ne faut pas non plus que cela soit une hantise avant la compétition car si ça arrive, tu perds.
Si je n’affronte pas de Français, c’est bien et si j’en rencontre, je me dis que tant pis et c’est la guerre.
D’autant plus qu’il y a une forte cohésion, le fameux esprit bleu
Oui, c’est très spécial
Il m’est déjà arrivé de rencontrer un français en T128, ce n’était vraiment pas drôle. On a fait le match et le soir même on dînait ensemble et ça se passait très bien. C’est sûr que ce n’est pas drôle mais il faut savoir passer ce stade.
Etait-ce au CIP?
Ce n’était pas au CIP, je n’en ai encore jamais rencontré là-bas et tant mieux. Devant les parents, les proches, c’est difficile.
On a en plus envie, quand on tire en tant que français en France, d’avoir tout le public avec soi et dans le cas d’un assaut franco-français, le public ne départage pas.
Quelle est ta journée type qui te permet de combiner cours et escrime?
De 8h à 10h, je suis en cours. Je suis étudiant en journalisme. Puis, de 10h à 12h, je suis à un premier entraînement. Ensuite, de 12h à 14h, jk’ai le droit à une pause avant de retourner en cours de 14h à 16h et de finir ma journée par un entraînement de 16h à 19h
C’est ce rythme, la majorité du temps mais ça peut arriver qu’il varie.
J’ai de la chance car mes cours sont à l’INSEP donc je n’ai pas de temps de transports. Je sors de cours et suis à 5 minutes de la salle d’entraînement. Avant j’étais en cours à la Défense et c’était compliqué avec les transports. Maintenant je ne rate aucun entraînement à cause des cours.
Le départ de Franck Boidin, tu le vis comment ?
Franck Boidin CIP 2015
C’est une catastrophe (rires).
Sur les 4 coachs que nous avions avant, il en reste 3.
Il n’y a que Franck, le chef, qui soit parti. Chacun a cependant, un peu changé de rôle. Emeric Clos, qui était second est devenu le chef.
Jean-Yves Robin et Grégory Koenig sont devenus adjoints tandisqu’Amir est venu se joindre à nous depuis début janvier.
L’esprit général est conservé, il n’y a pas eu de grandes métamorphoses. On sent simplement qu’avec le changement de chef, chacun essaie d’apporter sa touche personnelle et utiliser les 4 années passées pour travailler encore mieux en essayant de toujours s’améliorer.
Il n’ pas de changements de fond importants, tout n’a pas été chamboulé.
Ces changements ont eu lieu après les JO, donc cela permet de repartir sur de nouvelles bases en même temps que commence une nouvelle olympiade…
Oui c’est vrai. Franck était arrivé un an après les Jeux donc c’était plus spécial. Là, c’est dans la continuité donc pas de gros changements.
La composition pour les équipes, comment ça se passe ?
Maxime, Erwann, Jérémy et Jean-Paul à Tokyo en novembre 2016 – Photo Laurence Masson
C’est variable selon les compétitions. Il y a des cas où elles sont annoncées avant.
J’ai participé 3 fois à la compétition par équipes. Une fois à Bonn, au moment de la sélection, l’équipe était déjà annoncée. C’est assez reposant dans la tête. On sait qu’on a les équipes le lendemain, on fait donc sa compétition en individuel plus sereinement et on re-bascule tout de suite pour l’équipe.
Sinon 90% du temps, on sait qu’Erwann Le Pechoux sera dans l’équipe de façon certaine et après il y en 2 à 4 qui sont dans la balance.
On tire l’individuel et le soir-même, on nous annonce qu’on sera aussi présent le lendemain. Généralement on le sent venir, car si on est dans la balance et que ce jour-là on a fait une meilleure performance que les autres, on pense être appelé pour l’équipe. Si ce n’est pas le cas, c’est pas grave , on était préparé psychologiquement.
Au CIP l’an dernier, j’ai tiré par équipe. Je finis meilleur français et je me doute qu’ils vont peut-être penser à moi mais ce n’était pas sûr. Je pars prendre ma douche, je ne sais toujours pas que je suis pris pour l’équipe et Emeric me dit « A demain ! « , je lui répond donc « A demain ! » et il me précise que je viendrais pour tirer . Merci de m’avoir prévenu Emeric ! (rires)
Ca se passe comme ça généralement, c’est au dernier moment que l’on nous annonce la composition des équipes et on a toute la soirée pour se préparer.
La question Inter-sport. Tu es passionné de foot et grand fan du PSG : L’arrivée de Draxler, bonne ou mauvaise idée ?
Bonne nouvelle ! C’est un top joueur ! Il n’était pas dans un grand club mais il est top et ça va aider le PSG.
Un commentaire sur “Maxime Pauty nous parle du CIP”